Critique de « Ce Silence-là » parue sur le site Bibiloblog.
Ci-dessous la critique du roman Ce Silence-là qui vient d’être mise en ligne sur Biblioblog. N’hésitez pas à consulter ce site où sont quotidiennement publiés des billets de lecture de grande qualité à l’adresse suivante :
Ce silence-là – Franck Bellucci
Par Laurence le vendredi 23 mai 2008, 07h22 – Romans français – Lien permanent
Vous vous souvenez de Andras Grassi ? Ce jeune homme retrouvé sur un plage britannique, habillé en frac, muet et pianiste de génie? Il avait à l’époque défrayé la chronique… Si je m’en souviens si bien, c’est que mes colistiers avaient imaginé quelques scénarios probables, sous forme de très courtes nouvelles.
Pour son premier roman, Franck Bellucci a eu la même idée, mais a réussi à en faire un roman riche et émouvant, dépassant le simple fait divers.
Nous sommes en 2005, dans une petite ville de Normandie. Hélène, aide-soignante à l’hôpital psychiatrique, est chargée de l’admission du patient de la chambre 22. Ce n’est pas un patient comme les autres. Arrivé entouré des policiers, il est enfermé dans un mutisme inquiétant. Ses yeux bleus ne semblent rien voir, il est perdu dans son univers et ne réagit à aucun stimulus extérieur.
Immédiatement, l’équipe médicale se met en branle. Le professeur T est bien décidé à lever le voile sur cet étrange mystère. Tous les moyens sont mis en œuvre : des médecins de la capitale sont rapidement appelés à la rescousse pour établir un diagnostique. Autisme? Schizophrénie? ou simple imposture?
Mais Hélène est sourde à l’agitation; elle pense savoir qui est ce frêle jeune homme.
Pendant les 85 jours que dureront l’internement de l’inconnu, l’aide-soignante ne quittera pas son patient de la chambre 22, au risque de se faire renvoyer. Elle sait que seul le silence de leurs échanges lui permettra de guérir.
Si Franck Bellucci s’est inspiré de ce fait divers, ce n’est pas pour essayer de trouver une énième explication. Les tabloïds, avant lui, avaient déjà imaginé tous les scénarios possibles. Ici, la réalité n’est qu’un prétexte littéraire, et le discours que sous-tend ce récit est bien plus universel.
D’ailleurs, le personnage principal de Ce Silence-là n’est pas le patient de la chambre 22, mais Hélène, cette jeune femme blessée et meurtrie. La narration alterne entre le récit classique et les extraits des journaux intimes de la soignante. Peu à peu, on comprend le drame qui se prépare, on pressent le transfert inévitable.
Ce roman parle des silences : ceux qui rassurent; ceux qui inquiètent; ceux qui détruisent lentement. Le silence ici envahit l’espace et naît du poids de l’éducation. Le lecteur impuissant, suit donc avec inquiétude et empathie les méandres de la pensée d’Hélène. Comment définir la normalité ? Où commence la folie? Et finalement ne sommes-nous tous pas sans cesse sur la corde raide?
Franck Bellucci a réussi son pari puisque j’ai rapidement oublié ce que je savais de ce fait divers pour accompagner Hélène et son patient dans leurs silences. C’est un premier roman très prometteur.
Laurence
Extrait :
Non, personne ne peut se douter qu’entre elle et lui, ce jeune homme blond, mutique, apeuré, maigre, aux yeux clair, si clairs et hagards, un lien est en train de se tisser, un lien aussi fort que singulier, un lien secret qui désormais unira leurs destins.
[...]
Et pourtant moi je sais, oui, je le sais du fond de mon âme, qu’il n’est pas dément, qu’il n’a rien à voir avec les névrosés, les psychotiques, les maniaco-dépressifs et autres schizophrènes; je sais que l’autisme n’est pas la cause véritable de son mutisme, qu’il n’explique en rien son attitude.
Je le sais mieux que quiconque mais pour le moment je ne peux en parler à personne. Je dois aussi garder le silence. Nous sommes unis dans le silence.
Édition Demeter – 150 pages