Note de lecture : « Villa Amalia » de Pascal Quignard, folio.
Ann Hidden a surpris son conjoint Thomas avec une autre femme. Elle se sent donc trahie, perdue, anéantie, abîmée. Sa vie et ses certitudes ont basculé, d’un coup, avec une violence inouie. Aussi ne peut-elle faire autrement que de vendre son appartement, ses meubles; que de jeter tous ses vêtements; que de démissionner de son emploi. Car Ann a décidé de partir. Loin. Le plus loin possible. Oui, elle a décidé de s’évanouir. D’en finir définitivement avec ce qu’elle fut…
Avec Villa Amalia, Quignard renoue avec l’art du récit et avec le romanesque qu’il avait déjà pratiqué en écrivant Les Escaliers de Chambord ou encore le très beau Terrasse à Rome. Loin de théoriser, de disserter et de s’adonner à l’exercice de l’exégèse savante comme il se plait à le faire régulièrement dans ses écrits les plus élitistes, l’auteur se livre ici au pur plaisir de la narration campant avec justesse des personnages complexes auxquels il invente une vie intérieure dense et décrivant à la perfection des paysages magnifiques.
Villa Amalia dresse aussi et surtout un beau portrait de femme tout en adoptant un mode narratif original qui procède par tableaux, par fragments successifs.
Ce livre permet également à Pascal Quignard de décliner les thèmes qui lui sont chers tels que la musique ou la création artistique. Mais dans ces pages très réussies, ces motifs sont toujours mis au service d’une histoire troublante, d’une véritable intrigue qui émeut.
Parce que ce texte échappe à l’abstraction intellectuelle ; parce qu’il est marqué par la sensualité, par la chair, par les larmes, par le sang, bref, par tout ce qu’il y a de profondément humain, il touche, il bouleverse le lecteur lequel peut y retrouver l’écho de ses propres souffrances, de ses propres questionnements.
Extrait : (page 88)
Adossée contre les oreillers tout propres elle regardait le ciel au-dessus des branches dénudées de l’orme.
Elle contemplait ces morceaux de ciel si lumineux et blancs entre les branches.
Elle n’avait pas envie de se lever. Elle n’avait pas le courage de préparer les quelques affaires ultimes qu’elle désirait encore emporter. C’était le premier week-end où elle ne comptait pas se rendre dans l’Yonne. Elle resta allongée jusqu’à ce que la nuit tombât.
L’angoisse revint avec l’obscurité.
Et l’envie de fuir revint comme son compagnon. Elle était devenue comme le double de l’angoisse qu’elle éprouvait chaque jour au moment où la lumière du soleil s’effondre dans la nuit.
Toute le nuit, debout, en chemise de nuit de coton, elle rangea, sépara les vêtements, remplit les derniers sacs, remplit toutes les valises disponibles. Elle revint à son lit pour s’écrouler de fatigue et s’endormir d’un coup. Il était cinq heures du matin. Tout était prêt.
Note : + +
Merci pour votre commentaire du roman de P.Quignard, livre que je viens de lire avant de voir le film qui en a été inspiré. Je partage vos vues sur le roman dont les situations, les personnages, les descriptions m’ont intéressé à plusieurs titres. Mais je n’ai pas compris le « tempo » du récit. Quelque chose m’échappe totalement. Les ruptures de rythme ? , les changements de focalisation dont je ne saisis pas le rôle, les phrases nominales qui campent un lieu, un moment et produisent une ellipse intéressante pourtant : « Le salon du Wurtemberg » m’avait passionné et il me manque « Terrasse à Rome » que je lirai bientôt, selon votre suggestion.
Bonjour,
Merci pour votre message. Tout comme vous, certains des procédés narratifs employés par Quignard dans /Villa Amalia/ m’ont quelque peu décontenancé et me semblent parfois artificiels. J’adhérais plus totalement encore à ses premiers romans (je pense aux /Escaliers de Chambord/, très romanesque). Mais c’est un de nos grand sécrivains contemporains et l’homme que j’ai eu la chance de rencontrer est de surcroît très sympathique.
A bientôt peut-être,
Cordialement,
Franck Bellucci.