Note de lecture : « Les Années » de Annie Ernaux, éditions Gallimard.

Les Années, ce sont celles du passé, d’un autrefois d’abord lointain, juste après la guerre, puis de plus en plus proche. Ce sont celles des souvenirs réveillés par des clichés photographiques dont l’évocation ponctue l’avancement chronologique de la remémoration tout en caractérisant les époques traversées. Les années, ce sont donc, bien sûr, celles d’Annioe Ernaux, mais ce sont aussi les nôtres. parce que, dit-elle, « récit familial et récit social, c’est un tout » (p. 28). Et c’est là ce qui fait justement tout l’intérêt et toute la saveur de ce beau texte. Car, s’il sait révéler, comme beaucoup d’autres du même genre, la difficulté à s’écrire, à se souvenir, à s’arranger avec l’imprécision des images ou la frontière toujours fluctuante entre le passé réel et celui recomposé, ce livre a surtout le mérite de suivre une démarche novatrice et profondément originale. Cette démarche que l’auteur définit elle-même peu de temps avant de mettre un terme à son entreprise en expliquant qu’il s’agit avant tout de « reconstituer un temps commun, celui qui a glissé d’il y a si longtemps à aujourd’hui pour, en retrouvant de la mémoire collective dans une mémoire individuelle, rendre la dimension vécue de l’Histoire » (p. 239).

Ainsi, en s’obligeant à garder l’émotion à distance et à refuser la complaisance du pathétique, en préférant le caractère indéfini du « on » ou la pluralité universelle du « nous » à l’égotisme du « je », en faisant en sorte qu’au fil des pages et des souvenirs convoqués le temps narré rejoigne progressivement le temps de l’écriture, Annie Ernaux réussit le tour de force qui consiste à inventer une nouvelle forme d’écriture autobiographique, presque un nouveau genre à part entière.

Gageons par conséquent qu’il y aura désormais dans l’ Histoire littéraire des récits de vie un avant et un après Les Années.

 

Note : +++                           

                            Note de lecture :

                                           Annie Ernaux

                                    

 


3 commentaires

  1. Yohan dit :

    Bonjour,

    j’aime beaucoup l’écriture et la manière de raconter d’Annie Ernaux, qui mele très subtilement l’intime et l’universel. Les années sont sur ma table de chevet, mais je n’ai pas encore pris le temps d’ouvrir ce roman. Mais il devrait faire partie des tout prochains ouverts !

  2. Yohan dit :

    Voilà, je l’ai ouvert et dégusté. Je ne l’ai pas lu très vite, j’ai pris mon temps dans ce récit fort et émouvant. J’ai ajouté un lien dans mon article (c’est fou le nombre de garçons qui ont publié un billet sur ce livre ! Alors qu’elle parle aussi de choses très féminines (avortement, …).

  3. dasola dit :

    Bonjour, entièrement d’accord avec ce billet. C’est le premier ouvrage que je lisais d’elle: ce fut une révélation. C’est un livre à faire étudier aux générations futures dans 50 ans. Quel travail cela a dû être (voir mon billet du 23/04/08). Bonne après-midi.

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