Note de lecture : « L’Enfant éternel » de Philippe Forest, Folio.
Pauline a trois ans. Comme tous les enfants de son âge, elle aime écouter des histoires, des contes, se glisser dans le lit de ses parents, se coucher sous les draps pour faire semblant de disparaître. Mais Pauline a une douleur au bras et cette douleur porte un vilain nom : cancer…
Le texte de Philippe Forest raconte une année de combat contre le mal, une année d’espoirs, d’attente, de désillusions. Il raconte le quotidien dans les hôpitaux, les examens médicaux, les soins, la vie qui tout a coup a basculé. Il raconte aussi le bonheur encore possible, ces parenthèses délicieuses entre deux séries de chimio, ces moments vécus intensément entre les cures, les rendez-vous ou les interventions chirurgicales. Et tout en racontant, avec précision, vérité, pudeur, violence, ces pages développent également une réflexion sur la douleur, sur le rapport de la société à la mort, sur les relations particulières qui unissent l’expérience du deuil et le processus d’écriture. En effet, quel sens donner à une littérature qui se nourrit de l’absence, du manque, de l’incommunicable douleur ? Comment l’appréhender ?
Loin d’être un simple témoignage, L’Enfant éternel, véritable roman qui se revendique comme tel, est un vrai texte littéraire, dur, dérangeant, bouleversant, éprouvant, parce que la mort d’un enfant est dure, dérangeante, bouleversante, éprouvante ; un texte magnifique qui garde longtemps son emprise sur le lecteur.
Extrait : « On perçoit que mentalement, une page a déjà été tournée. Un sentiment immense de pitié habite indubitablement tous ceux qui depuis un an ont approché l’enfant et la voient s’en aller inexorablement. Mais la pitié est dangereuse, elle se mue lentement en détresse, puis avant qu’on y ait pris garde, elle est devenue un bloc noir de désespoir. Ce bloc pèse sur les épaules, il écrase le corps déjà fatigué de tout son poids « d’à quoi bon ? ». L’impression est familière. Il ne faut pas laisser se refermer sur sa nuque ces doigts de tristesse, il ne faut pas laisser couler dans les yeux toute cette poussière d’abandon. Si on glisse dans ce creux de nausée, des semaines entières sont nécessaires pour en sortir de nouveau » (p. 293-294)
Note : ++