A paraître :
Et pour le pire
-Fragments de vies-
(Nouvelles)
Quatorze récits, quatorze fragments de vies qui tous racontent avec gravité ou légèreté, avec noirceur ou dérision, le moment où tout bascule au sein d’une existence.
C’est un deuil qui frappe ou une rencontre qui rend fou ; c’est une découverte qui bouleverse ou une vengeance qui condamne ; c’est un aveu qui se fait ou un secret qui se révèle.
Et, dans tous les cas, c’est l’instant à la fois banal et extraordinaire où le meilleur devient, irrémédiablement, le pire.
Les Éditions DEMETER
collection : Lettrine / prix ttc : 15 € / date de parution : février 2009 / genre : Nouvelles
format : 138 X 204 / nombre de pages : 144 pages
EXTRAITS CHOISIS :
Extrait 1 : « L’Abandonné »
« Je t’ai abandonné, là-bas, dans cette petite chambre aux murs blancs. Au bout d’un couloir, derrière cette porte qu’il m’a fallu refermer. Surtout prenez bien garde à refermer la porte derrière vous, on ne sait jamais… Je suis partie, je t’ai laissé ainsi, tout seul, assis sur ce fauteuil qu’ils avaient placé bien en face de la fenêtre – qui sait ? peut-être remarquerais-tu les faîtes dansants des arbres, la lente course des nuages ou encore les voitures parfaitement alignées, en bas, sur le parking, peut-être… – je t’ai laissé ainsi, tu avais les mains posées sur tes genoux et tu restais immobile. Statue de peine et de silence. Je t’ai regardé longtemps, comme pour m’imprégner de ton image, afin qu’elle m’accompagne, qu’elle se grave en moi, et je t’ai souri, je crois même t’avoir dit quelques mots, au revoir mon amour, à bientôt, à très bientôt, ne t’en fais pas, je reviendrai très vite. J’ai dû dire ces mots en espérant que tu les entendes, en espérant que tu réagisses, que tu fasses un petit geste, que tu tournes vers moi ton visage, ton beau visage que la maladie n’a presque pas modifié. Mais il n’en a rien été. Tu ne m’as pas vue pas plus que tu n’as vu le paysage derrière la vitre ; tu ne m’as pas entendue non plus, et tu n’as pas bougé. Tu n’as pu que rester comme ça, dans la position dans laquelle on t’avait installé, vieillard avant l’heure, statue en sursis de vie. »
Extrait 2 : « Monstre »
« Non, je n’ai pas de scrupules. Pas le moindre scrupule. Bien au contraire. Je savoure l’idée délicieuse de faire le mal, de te rendre malheureux, de t’inoculer le poison de la souffrance. Pas de projet plus excitant que celui de te détruire à petits feux. Longtemps, je me suis préparée à cette entreprise et aujourd’hui, enfin, je la réalise.
Je ne te demande pas de m’excuser ; je suis inexcusable. Je ne te prie pas davantage de m’accorder ton pardon ; je suis impardonnable. Et d’ailleurs, on ne pardonne pas à ceux et celles qui répandent le remords, la peur et la haine. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, c’est bien cela que tu vas connaître : le remords, dont tu resteras l’esclave ; la peur, une extraordinaire peur qui, petit à petit, t’enlaidira, fera de toi une ombre, un fantôme errant, un spectre abject ; et la haine, la grande haine, de celles qui demeurent tapies au fond du cœur, dans l’âme aussi, de celles qui circulent en permanence à travers toutes les veines et les artères. »
Extrait 3 : « Nos Anges noirs »
« C’est Anna qui a compris la première ; oui, c’est elle qui m’a ouvert les yeux, qui a décodé la situation, qui a trouvé la clé de l’énigme. Il devait être environ trois heures quinze, trois heures trente du matin quand elle a eu la révélation. Cet homme et cette femme n’étaient autres que nous ; exactement, ils étaient nous, mais nous il y a de nombreuses années de cela, lorsque nous étions encore jeunes, du temps de notre splendeur, de notre amour passionné, du temps où nous passions nos soirées côte à côte ou face à face dans le salon, elle feuilletant un magazine féminin et moi lisant un bon roman, du temps où elle ne restait pas des heures entières derrière son écran de télévision à ingurgiter au kilomètre des stupidités pré formatées. Du temps où nous nous réjouissions des moindres petites choses : un rosier en fleurs, le saut périlleux d’un chaton, un éclat de rire d’Eric. Du temps où nous avions encore l’espoir d’avoir un second enfant. Du temps où c’était bien quoi. Oh, je sais commissaire, vous me prenez pour un fou qui cherche à faire passer son délit pour l’acte d’un illuminé. Je le vois bien à vos yeux que vous ne croyez pas tout ce que je suis en train de vous raconter. Et pourtant… Il n’y avait aucun doute : nous nous retrouvions mon épouse et moi en notre propre présence. Comme si des anges étaient apparus pour nous rappeler ce que nous avions été, la saveur d’antan, comme s’ils avaient essayé de nous montrer de nouveau la voie du bonheur, de la sérénité. »