Archive pour février, 2009

Cérémonie des César 2009 : le triomphe de « Séraphine ».

2a7c009 Résultats Césars 2009

Palmarès des Césars 2009

Meilleur acteur : Vincent Cassel (Mesrine : L’Ennemi public n°1 & Mesrine : L’Instinct de mort)

Meilleure actrice : Yolande Moreau (Séraphine)

Meilleur réalisateur : Jean-François Richet (Mesrine : L’Ennemi public n°1 & Mesrine : L’Instinct de mort)

Meilleur film : Séraphine

Meilleur acteur dans un second rôle : Jean-Paul Roussillon dans Un conte de Noël

Meilleure actrice dans un second rôle : Elsa Zylberstein dans Il y a longtemps que je t’aime

Meilleur espoir masculin : Marc-André Grondin dans Le premier jour du reste de ta vie

Meilleur espoir féminin : Déborah François dans Le premier jour du reste de ta vie

Meilleur premier film : Il y a longtemps que je t’aime réalisé par Philippe Claudel

Meilleur scénario original : Séraphine

Meilleure adaptation : Entre les murs

Meilleur film documentaire : Les plages d’Agnès réalisé par Agnès Varda

Meilleur son : Mesrine

Meilleure musique écrite pour un film : Michael Galasso pour Séraphine

Meilleure photo : Séraphine

Meilleurs décors : Séraphine

Meilleurs costumes : Séraphine

Meilleur montage : Le premier jour du reste de ta vie

Meilleur film étranger : Valse avec Bachir réalisé par Ari Folman

Meilleur court-métrage : Les miettes réalisé par Pierre Pinaud

 Soit 7 César pour le film Séraphine

Cérémonie des César 2009 : le triomphe de

Yolande Moreau.

Note de lecture : « Lettre à D. » d’André Gorz, Folio.

  Dans ce texte, André Gorz, de son vrai nom Gérard Horst, journaliste, écrivain, philosophe, évoque sa relation avec D., la femme de sa vie. En quelques pages, il cherche à réparer tant d’injustices commises à l’encontre de celle qui l’accompagne fidèlement depuis plus de 58 ans. Il entend dire enfin, avec les mots justes, l’exemplarité de leur amour, la force de leur complicité tout en exprimant le regret de ne pas avoir su écrire plus tôt cet hommage.

  Le projet est donc noble et pourrait aboutir à un texte sensible, touchant. Mais force est de constater – sinon de déplorer – que la démarche cérébrale et analytique l’emporte souvent sur ce qui se présente pourtant (voir le sous-titre du livre) comme « l’histoire d’un amour ». En effet, parce que Gorz y parle beaucoup de lui, plus encore que de D. ; parce qu’il y commente à posteriori les livres qu’il a écrits et dont il s’efforce de montrer les limites et les maladresses ; parce qu’il s’intéresse surtout à son parcours et à ses égarements d’intellectuel, cette lettre n’atteint pas l’émotion que devrait pourtant provoquer un éloge de ce type. Aussi, le lecteur en vient-il à s’interroger : était-il vraiment judicieux d’essayer d’expliquer la passion amoureuse, c’est-à-dire ce qui relève par essence de l’inexplicable, du ressenti, de l’impalpable ? Est-il possible de disserter sur un sentiment aussi fort ? L’intelligence de ces pages n’en arrive-t-elle pas à tuer l’émotion ?

  Reste néanmoins que ce texte bref offre de belles phrases qui sonnent juste et qu’on se plaît à conserver en mémoire, comme de précieux cadeaux (voir ci-dessous).

 

Extraits :

« Tu t’étais unie, disais-tu, avec quelqu’un qui ne pouvait vivre sans écrire et tu savais que celui qui veut être écrivain a besoin de pouvoir s’isoler, de prendre des notes à toute heure du jour ou de la nuit ; que son travail sur le langage se poursuit bien après qu’il a posé le crayon, et peut prendre totalement possession de lui à l’improviste, au beau milieu d’un repas ou d’une conversation. » (p.34).

« Je prétends parler de toi comme de la seule femme que j’ai aimée d’amour et de notre union comme de la décision la plus importante de nos deux vies. » (p.58).

« Je suis à l’aise dans l’esthétique de l’échec et de l’anéantissement, non dans celle de la réussite et de l’affirmation. » (p.58).

« Tu as tout donné de toi pour m’aider à devenir moi-même. » (p.64)

« Tu viens juste d’avoir quatre-vingt-deux ans. Tu es toujours belle, gracieuse et désirable. Cela fait cinquante-huit ans que nous vivons ensemble et je t’aime plus que jamais. Récemment je suis retombé amoureux de toi une nouvelle fois et je porte de nouveau en moi un vide dévorant que ne comble que ton corps serré contre le mien. La nuit je vois parfois la silhouette d’un homme qui, sur une route vide et dans un paysage désert, marche derrière un corbillard. Je suis cet homme. C’est toi que le corbillard emporte. Je ne veux pas assister à ta crémation ; je ne veux pas recevoir un bocal avec tes cendres. J’entends la voix de Kathleen Ferrier qui chante « Die Welt ist leer, Ich will nicht leben mehr » et je me réveille. Je guette ton souffle, ma main t’effleure. Nous aimerions chacun ne pas avoir à suivre la mort de l’autre. Nous nous sommes souvent dit que si, par impossible, nous avions une seconde vie, nous voudrions la passer ensemble. » (pp.80-81).

                                               Lettre à D., histoire d'un amour

 

Note de lecture : « Les Bains de Kiraly » de Jean Mattern, Sabine Wespieser éditions.

                               

   Gabriel est traducteur. Depuis toujours, il se cache derrière les mots des autres. Il se fuit et fuit le monde en parlant des langues qu’il a apprises et qui ne sont pas siennes ; en cherchant dans les dictionnaires des termes qu’il emprunte, des expressions qu’il apprivoise, qu’il vole. Parce que Gabriel est passé maître dans l’art de l’évitement, un art qui lui a été inculqué par ses parents.

  D’ailleurs, c’est encore son histoire personnelle qu’il pense fuir pendant deux années passées aux côtés de Laura, son épouse, cette jeune femme au rire éclatant et à l’insouciance marquée.

  Mais vient le jour où celle-ci lui annonce qu’il va devenir père. Ce jour-là, il devient impossible de continuer à faire semblant. Commence alors pour Gabriel une longue errance à travers Londres, Budapest, à travers les souvenirs, les secrets enfouis, les douleurs ensevelies, à travers l’espace et le temps. Longue errance qui se fait quête identitaire vertigineuse, difficile, et pourtant indispensable.

 

  Les Bains de Kiraly est un texte dense et à bien des égards émouvant. Sont en effet déclinés au fil des 133 pages qui constituent ce bref récit des thèmes passionnants tels que l’héritage familial, la transmission intergénérationnelle de la souffrance ou encore les ravages liés au poids écrasant de la culpabilité. Ce texte conduit aussi une réflexion subtile sur la question de l’identité, du rapport au monde, à la langue, aux mots, à l’autre. Rapport à l’autre qui peut-être lourd de signification sur le rapport à soi-même, l’autre pouvant devenir un double dans lequel il est parfois possible de se reconnaître, de se noyer, de se réfugier, à défaut de se comprendre.

 

  Ce livre est également adroit dans sa structure. Construit comme un puzzle, à l’image du puzzle familial que le narrateur tente de reconstituer, le récit mêle en effet deux temporalités, le présent éclairant le passé et inversement.

 

  Certes, Jean Mattern a parfois tendance à en dire un peu trop, à se faire trop explicite dans ses analyses alors qu’il suffirait de suggérer, de faire davantage confiance au lecteur, mais qu’importe, ce premier roman n’en demeure pas moins une vraie réussite, un texte révélateur d’une authentique talent et d’une sensibilité aigue qui touche, incontestablement.

 

                                             Note de lecture :

Citation du moment :

« Certaines personnes qui passent dans notre vie sont comme les déclinaisons d’une nouvelle langue que nous apprenons. Elles nous familiarisent avec une grammaire, elles nous enseignent les premières phrases simples d’un nouvel idiome. »

Jean Mattern, Les Bains de Kiraly, roman, Sabine Wespieser éditeur.

Cinéma : « L’Autre » de P. M. Bernard et P. Trividic.

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   Assistante sociale divorcée et âgée de 47 ans, Anne-Marie vient de mettre fin à sa relation amoureuse avec Alex, un homme sensiblement plus jeune qu’elle. En effet, elle veut enfin vivre, vivre sa vie, vivre libre. Mais lorsqu’elle apprend que celui qu’elle a quitté débute une nouvelle histoire d’amour avec une autre femme, Anne-Marie doit bien admettre que cette idée lui est insupportable. D’ailleurs, ne cherche-t-elle pas sans cesse à en apprendre davantage sur cette rivale qui l’a remplacée dans le cœur et le lit d’Alex ? Qui est donc cette inconnue ? Comment s’appelle-t-elle ? Où habite-t-elle ? Quel métier exerce-t-elle ? Autant de questions qui la hantent, la taraudent et qui deviennent les manifestations patentes d’une jalousie pathologique. D’une aliénation qui se met à ronger ses jours et ses nuits et qui fait irrémédiablement basculer son quotidien. Ainsi, Anne-Marie découvre-t-elle à ses dépends cette autre part d’elle-même, une part obscure, inquiétante. Ainsi doit-elle apprendre à cohabiter avec cette autre qui est en elle, qui est aussi elle, cette autre qui pourrait bien avoir le dernier mot…

 

 l’Autre désignée par le titre du film renvoie alors à la fois à la concurrente, à la femme nouvellement entrée dans la vie d’Alex, et à ce double  pétri de haine, de rancœur, de violence, de pulsions terrifiantes, destructrices qui sommeille en Anne-Marie. Et peut-être en chacun de nous.

 

Adapté du livre L’Occupation d’Annie Ernaux, le film de Patrick Mario Bernard et de Pierre Trividic est une œuvre ambitieuse par les thèmes qu’elle aborde (la jalousie, la question de l’identité, le double, la dépendance, la connaissance de soi et d’autrui, le désir de maîtrise, l’obsession, la folie qui rôde…), par sa construction qui refuse la linéarité chronologique, par sa mise en scène et sa photographie très stylisées. Rarement le monde urbain aura-t-il été filmé de manière aussi clinique, aussi glaçante. Tout dans les images, couleurs, mouvements de caméra, détails symboliques, contribue à rendre palpable la froideur de lieux glauques où se croisent des silhouettes anonymes, fantômes errants. Les séquences se suivent et donnent à voir un monde de pluie, de bitume, de tristesse, de lumières blafardes, d’oppression. Et ce n’est pas par hasard si cet univers sans âme sert de cadre à la tragédie intérieure d’Anne-Marie.

 

Toutefois, si la réalisation est soignée, si le travail formel est indéniable, si le film soulève des questions passionnantes, force est de constater et de regretter que l’ensemble laisse plutôt insensible. Le spectateur ne ressent ni empathie ni sympathie ni même antipathie à l’égard de la protagoniste (interprétée certes avec grand talent par Dominique Blanc). Nous voyons cette femme s’enfoncer dans son obsession, sombrer petit à petit, mais étrangement nous restons indifférents, comme si son destin ne nous concernait pas vraiment. A trop vouloir marquer une distance avec leur personnage, les cinéastes brisent l’émotion. L’histoire se déroule, certes, mais à aucun moment elle ne touche, n’inquiète ni ne bouleverse. Et c’est bien dommage !

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 Dominique Blanc, récompensée pour ce rôle par le Prix d’interprétation féminine  au dernier festival de Venise.

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Hammershoi, peintre de l’intérieur et de l’intériorité.

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Cinéma : coup de coeur pour « Les Noces rebelles » de Sam Mendès.

   April (Kate Winslet) et Frank (Leonardo di Caprio) Wheeler forment un couple idéal, audacieux. D’ailleurs, dès leur première rencontre, ils se sont sentis faits l’un pour l’autre et tout de suite ils ont eu la certitude que leur amour pourrait avoir un caractère exceptionnel. Pourtant, malgré tant d’espoirs, la réalité doucereuse d’un quotidien conformiste – une belle maison dans un quartier résidentiel de banlieue, deux enfants, un voisinage sympathique – les a rattrapés et a fait s’envoler leurs rêves et idéaux. April a en effet renoncé à sa carrière de comédienne et Frank a accepté de s’ennuyer dans un grand bureau auprès de collègues qui l’insupportent ou dans les bras d’une secrétaire écervelée… Mais vient le jour où April imagine qu’il est encore possible de vaincre la routine qui mine leur existence, de lutter contre ce vide sidérant qui les aliène toujours davantage. Oui, elle en est sûre, c’est à Paris, là-bas, de l’autre côté de l’océan, sur le vieux continent, qu’ils pourront redonner à leur couple son souffle initial, sa légèreté fondatrice, et qu’ils parviendront enfin à faire de leur vie un véritable destin. Mais c’est sans compter sur la mécanique infernale qui va alors se mettre en marche transformant cette quête d’absolu en terrifiant cauchemar. Et c’est aussi sans compter sur ce mathématicien fou, le fils d’une amie, qui osera leur dire avec une insoutenable et douloureuse acuité cette vérité glauque qu’il perçoit en eux.

 

   Sans jamais sombrer dans le manichéisme trop souvent caractéristique d’un certain cinéma américain, les Noces rebelles est en fait construit comme une vraie tragédie universelle et atemporelle qui oppose la raison aux passions, le devoir au désir, et qui met en scène des protagonistes confrontés à un cruel dilemme. Tout dans cette œuvre est maîtrisé et réussi : la mise en scène, à l’efficacité redoutable (les dernières vingt minutes ménagent un crescendo oppressant sans pareil) ; la photographie, dont les teintes sont toujours porteuses de sens (les plus claires correspondant aux moments d’espoir et les plus sombres suggérant l’avancée inéluctable du désespoir) et surtout la direction d’acteurs, tous magnifiques (Di Caprio étonne par tant de justesse et Kate Winslet – justement récompensée par un Golden Globe pour ce rôle – subjugue tant elle interprète avec puissance et nuances l’insouciance et la fougue, la fragilité et l’obstination).

 

   Les Noces rebelles est tout simplement un film magistral. Il y est question des grandes et petites lâchetés qui caractérisent chacun de nous, des bassesses, des renoncements, des désillusions, des déchirements, des espoirs déçus, des accommodements faits avec la médiocrité du quotidien. Il y est encore question du désaccord entre ce que nous sommes et ce que nous voudrions, ou aurions voulu, être. Il y est enfin question du vide qui envahit progressivement l’existence, anesthésie de nos rêves et de nos désirs.

 

   Il faut donc voir absolument (en v.o bien sûr !) ce film émouvant, intelligent et intransigeant.

   Tout en sachant qu’on ne peut en sortir indemnes…  

  

Pour lire l’avis de Yohan sur le site « Livres et cinéma », cliquez sur le lien suivant :

           http://livres-et-cin.over-blog.com/article-27222508.html

                 Cinéma : coup de coeur pour

                                               'Les Noces rebelles' scene (Image 19026750.jpg)

 April (Kate Winslet, bouleversante. Le feu sous la douce blondeur…)

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                                     'Les Noces rebelles' scene (Image 19020472.jpg)

                                        'Les Noces rebelles' scene (Image 19026752.jpg)

Leonardo Di Caprio, au sommet de son art d’acteur.

'Les Noces rebelles' scene (Image 19026753.jpg)

Citation du moment :

« La notion de pédagogisme est une notion polémique : j’en ai usé moi-même dans mon dernier livre pour désigner un courant, des méthodes, et surtout une idéologie. Je l’oppose à la pédagogie, art admirable qui consiste à inventer chaque jour le moyen de faire passer des connaissances. (…) C’est le pédagogisme qui, en insistant beaucoup sur le fait qu’il faut séduire, motiver, distraire un enfant ou un adolescent, a accrédité l’idée qu’apprendre est rebutant, en tout cas, que ce n’est pas un plaisir. (…) Mais, ce faisant, les pédagogistes se condamnent à la tâche de Sisyphe. Si on part de l’idée que le savoir est une pilule amère – curieux de la part d’enseignants ! on croirait qu’ils se sont eux-mêmes ennuyés dans des études que personne ne les obligeait à faire ! – et si on la cultive chez les élèves, on n’aura jamais assez de bouchées sucrées pour en masquer le goût ! Il faut remettre les choses sur leurs pieds. Réhabiliter l’idée d’une joie de et par la connaissance. Redire que, si apprendre demande un effort, cet effort comporte en lui-même sa récompense : la joie de comprendre et de se transformer en apprenant et en comprenant. C’est une tâche moderne, et non un combat d’arrière-garde. C’est la grande tâche moderne ! Qui ouvre des voies infinies, non de soumission, mais de liberté. D’agrandissement, d’augmentation de soi… »

Danièle Sallenave,

entretien croisé avec Alain Bentolila

publié dans le Magazine littéraire de février 2009.

Entretien passionnant intitulé « Quel avenir pour les pratiques de la lecture ? » (p 12-15).

 Saurait-on mieux dire ?

Ce constat et cette analyse ne sont-ils pas d’une brillante acuité ?

                                              Citation du moment : 385120440-photo

Danièle Sallenave,

auteur d’essais, de romans, de pièces de théâtre, de nouvelles.

Une femme de pensée et de passion…

 

 

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