Cinéma : « Etreintes brisées « de Pedro Almodovar.
Pedro Almodovar est un conteur. Un conteur de génie qui aime et qui sait admirablement raconter des histoires. D’ailleurs, ceux qui connaissent sa filmographie le savent bien. Et bien, qu’ils se rassurent : son dernier film ne démentira pas ce talent… Bien au contraire ! Parce qu’Etreintes brisées raconte avec brio une histoire d’amour fatal. Une histoire tragique, qui met en scène une jeune femme (interprétée par la magnifique Penelope Cruz) éprise d’un réalisateur de cinéma mais en proie au machiavélisme d’un terrible financier, aussi riche que pervers. Son époux en vérité… Une histoire d’amour impossible donc, de passion déraisonnable, de passion dangereuse. Mais aussi une histoire de filiation, de mémoire, de culpabilité, de vengeance, de création, de reconstruction de soi. Bref, une histoire qui regorge d’histoires toutes imbriquées les unes dans les autres comme autant de récits gigognes. Car il faut bien le dire : plus encore que l’intrigue principale, laquelle se disperse peut-être un peu à vouloir aborder trop de thèmes, c’est surtout la savante construction du film qui éblouit. Avec Etreintes brisées, Almodovar a en effet réussi à construire une œuvre à la structure aussi adroite que complexe, aussi subtile que sidérante, jouant de la superposition des temporalités (passé-présent) et multipliant les mises en abyme et tout cela sans jamais perdre le spectateur.
D’aucuns regretteront peut-être l’absence de cette exubérance qui caractérisait les opus antérieurs du cinéaste. Mais ce que ce film a perdu de folie baroque typiquement almodovarienne, il l’a incontestablement gagné en gravité, en intelligence, en maîtrise formelle.
Et de toutes les œuvres du réalisateur hispanique, cette dernière est sans nul doute celle qui rend le plus vibrant hommage à l’art ; à la magie du cinéma, des mots, de l’image ; à la force de la création sous toutes ses formes, à ce qu’elle rend possible, à ce qu’elle permet de guérir, en fait à tout ce qu’elle offre d’irremplaçable.