Note de lecture : « D’autres Vies que la mienne » d’Emmanuel Carrère, éditions P.O.L.
Ca commence par la mort d’une enfant emportée par la vague du tsunami ; ça se termine par la mort d’une mère, Juliette, emportée par un cancer. Entre les deux, comme le titre l’indique, des parcours de vies, d’autres vies que celle d’E. Carrère et pourtant de vies qu’il a croisées, qui lui ont été racontées, et de vies proches, si proches qu’elles renvoient aussi à la sienne à laquelle, parfois, elles vont jusqu’à donner sens.
Hormis les longues descriptions sur les affres des crédits à la consommation et les batailles juridiques qu’ils engendrent, passages dont le lecteur se serait sans mal passé, ce récit est parfaitement abouti, tant par sa construction qui entremêle les destins au sein d’une organisation d’ensemble cyclique que par la sensibilité, la justesse et l’émotion qui le caractérisent ou encore l’originalité de sa démarche (raconter les autres pour échapper au nombrilisme de l’écriture autobiographique et, nonobstant, en racontant l’autre se comprendre soi-même). L’auteur nous emporte dans ce qu’il y a de plus intime, de plus singulier et pourtant d’universel : les douleurs, la maladie, la mort, le souvenir, les regrets, la justice. Les personnages du livre nous habitent longtemps une fois le volume refermé qu’il s’agisse de Juliette que le cancer condamne, de Patrice son mari, de Clara, Amélie et Diane leurs trois filles, d’Etienne le juge au caractère bien trempé, de Delphine et Jérôme les parents de l’enfant disparue un jour de décembre 2004 au Sri Lanka, ou de Hélène la sœur de Juliette. Et puis il y a surtout la voix du narrateur, une voix franche et sincère, que l’on écoute, que l’on accompagne sur le chemin chaotique qui la mène du vibrato initial de la mélancolie et de la révolte à la clarté d’un bonheur et d’un apaisement enfin conquis.
Une très beau livre donc ; un texte qui confirme une fois encore le talent incontestable et justement reconnu d’E. Carrère.
Extrait :
« Chaque jour depuis six mois, volontairement, j’ai passé quelques heures devant l’ordinateur à écrire sur ce qui me fait le plus peur au monde : la mort d’un enfant pour ses parents, celle d’une jeune femme pour ses enfants et son mari. La vie m’a fait témoin de ces deux malheurs, coup sur coup, et chargé, c’est du moins ainsi que je l’ai compris, d’en rendre compte. Elle me les a épargnés, je prie pour qu’elle continue. J’ai quelquefois entendu dire que le bonheur s’appréciait rétrospectivement. » (p.308).
Citation du moment :
« Il y a des pans entiers de nos vies qui nous échappent parce que ceux qui nous entourent ne livrent rien de leurs mystères, ou alors ils oublient. »
Michèle Lesbre, Sur le sable, Sabine Wespieser éditeur, (pp.65-66).
Le Théâtre de la Rive et « L’Invitée » sélectionnés pour concourir au prochain Festival National de Théâtre Amateur.
Le Théâtre de la Rive et « L’Invitée » sélectionnés pour concourir au 25ème Festival National de Théâtre Amateur (FESTHEA) qui se tiendra à Joué-les-Tours en octobre 2009 :
Lors du dernier festival de Cour-Cheverny et des sélections régionales de FESTHEA
Le spectacle L’Invitée joué par Le Théâtre de la Rive
a été sélectionné pour représenter la région Centre
au prochain Festival National de Théâtre Amateur (FESTHEA)
qui se tiendra à l’Espace Malraux de Joué-les-Tours (37) du 24 au 31 octobre 2009.
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19 spectacles interprétés par 19 troupes, toutes sélectionnées lors d’un festival régional, vont concourir
pendant une semaine de festival théâtral à raison de 3 spectacles par jour du samedi 24 octobre au samedi 31 octobre.
Le programme complet sera bientôt mis en ligne sur ce site.
Le palmarès sera proclamé à l’issue de la compétition et après le spectacle de cloture du 31 octobre.
Le jury décernera les récompenses suivantes :
- 1er Prix : une Tour d’Or, un don de matériel de théâtre.
- 2ème Prix : une Tour d’Argent, un don de matériel de théâtre.
- 3ème Prix : une Tour de Bronze, un don de matériel de théâtre.
- Un prix spécial
- Deux Prix d’Interprétation
- Le prix de la VILLE de JOUE-LES-TOURS : « Prix du public »
- Les techniciens remettent la gélatine d’orPour davantage d’informations, consultez le site officiel de FESTHEA :
Le Théâtre de la Rive représentera donc la Région Centre
lors du Festival National et jouera la pièce L’Invitée
le jeudi 29 octobre à 14h à l’Espace Malraux de Joué-les-Tours.
Venez nombreux pour nous soutenir !
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Présentation de L’Invitée (texte publié aux éditions théâtrales Les Mandarines) :
L’action se déroule en 1985. Paul Robertin, 38 ans, professeur sans vocation et individu désabusé, arrive à l’improviste chez ses parents accompagné de sa nouvelle conquête féminine Solange. Fidèle à ses habitudes, il fait le pitre et cherche à accaparer l’attention de tous en jouant le rôle du rebelle insolent, provocateur et arrogant. Excédée, sa sœur Claire lui fait alors remarquer qu’un tel comportement est tout à fait déplacé d’autant que leur père, condamné par une maladie incurable, est en train de se reposer à l’étage. S’engage donc une violente dispute, dispute à laquelle la bienveillante douceur d’Anne-Marie, la mère, réussira néanmoins à mettre un terme.
Pour l’occasion, et parce qu’il est soucieux de faire honneur à leur invitée, Jean Robertin décide de quitter sa chambre et de participer au dîner familial. Au cours du repas, Solange répond aux questions qui lui sont posées et en vient à évoquer ses activités d’historienne ainsi que son travail de recherche qui porte sur la seconde guerre mondiale. Elle explique d’ailleurs être venue dans cette ville de province pour consulter quelques archives sur l’année 1942.
Mais Solange Chemla dit-elle toute la vérité ? A-t-elle vraiment rencontré Paul par hasard comme elle le prétend ? N’est-elle pas en réalité en train de mettre à exécution un plan mûrement réfléchi ?
En fait, progressivement, l’invitée va lever le voile sur un terrible secret, de ceux qui font voler en éclats les apparences ; de ceux qui mettent à mal les certitudes ; de ceux qui font apparaître la terrifiante duplicité des êtres. De ceux, enfin, qui révèlent à quel point la monstruosité peut-être banale et familière…
Distribution :
Franck BELLUCCI (Paul)
Sylvie SAUQUET (Claire)
Serge BURNEL (le père)
Mercedes FOURNIER (Solange)
Monique RONSSE (la mère)
Mise en scène et direction d’acteurs :
Françoise TIXIER de la compagnie« Trait pour Trait »
Une famille en apparence très ordinaire, en apparence seulement…
Le Théâtre à l’honneur à Cour-Cheverny les 17,18 et 19 juillet 2009 : demandez le programme…
Ci-dessous article paru dans La Nouvelle République du jeudi 16 juillet 2009.
Note de lecture : « La Mauvaise Rencontre » de Philippe Grimbert, éditions Grasset : un texte d’un humanisme profond et d’une intelligence sensible.
Ca commence comme un récit traditionnel, d’apprentissage, un peu naïf pourrait-on dire. Loup et Mando sont les deux meilleurs amis du monde. Des inséparables. Ils se sont rencontrés alors qu’ils n’étaient que des enfants et qu’ils jouaient autour du bac à sable du Parc Monceau. En toute logique, ils ont par conséquent tout partagé : le goût des livres et de l’aventure, la fascination pour le surnaturel, la passion pour les films de Fellini, les premiers émois amoureux. Jusqu’au jour où Loup, le narrateur au prénom ô combien symbolique, a osé renier l’un de ses engagements en ne partant pas avec Mando en colonie de vacances. Acte banal en apparence et qui pourtant aura des conséquences aussi graves qu’inattendues.
A partir de là, le récit bascule et se fait plus dense, plus grave et étonnamment surprenant. Car, lentement, le lecteur se met à cheminer vers la révélation de cette « mauvaise rencontre » qui donne son titre à l’œuvre. Une « mauvaise rencontre » presque ironique d’ailleurs puisqu’il est en vérité question de perte, d’abandon et de solitude irrémédiable.
Ce roman de Philippe Grimbert, déjà auteur du très remarqué Un Secret (adapté pour le cinéma par C. Miller), est sans nul doute une nouvelle réussite. Avec un style limpide et élégant, l’écrivain raconte une histoire qui gagne en densité et en émotion au fur et à mesure qu’elle se déroule et que la vérité se dévoile ; au fur et à mesure qu’elle sonde l’âme et les sentiments humains dans ce qu’ils peuvent avoir de plus complexe, de plus ambigu, de plus fou. Le souvenir d’une amitié aboutit alors à une réflexion sur la culpabilité et sur tout ce que les actes manqués, les paroles tues peuvent générer de remords et de douleurs.
La mauvaise Rencontre est un livre qui surprend, qui émeut, qui interroge aussi. C’est encore et surtout un texte d’un humanisme profond et d’une intelligence aussi contenue que sensible.
« Whatever Works » : une comédie jubilatoire et brillante de Woody Allen… Un film pétillant !
Ces dernières années Woody Allen nous avait plutôt habitués à des films graves, de facture très romanesque et de construction souvent élaborée. Avec les excellents Match Point, Le Rêve de Cassandre ou encore Vicky Cristina Barcelona, le cinéaste avait en effet imposé une nouvelle veine et avait surtout révélé une façette inattendue de son immense talent. D’aucuns ont d’ailleurs parlé de la période européenne d’Allen. Période qui lui a en outre permis de rencontrer de nouveaux spectateurs et de conquérir un public plus large. Or, avec Wathever Works, Allen marque sans conteste un retour aux sources à savoir à la comédie fantaisiste, douce amère, et ce film rappelle à bien des égards la tonalité d’oeuvres telles que Manhattan, Annie Hall ou Zelig.
Boris est un misanthrope hypocondriaque (alter ego d’Allen ? Sans aucun doute…) qui se considère comme un génie et qui jette sur l’humanité qui l’entoure un regard aussi cynique que désabusé. A ses yeux, tout n’est que laideur, médiocrité, bêtise, vulgarité et c’est pour cela qu’il vit seul, reclus dans son appartement miteux, passant ses journées et ses nuits à ressasser son aigreur et ses multiples rancoeurs. Mais un soir il rencontre par hasard une jeune fugueuse aussi sotte que pauvre qu’il accepte d’héberger temporairement (pense-t-il) chez lui. La cohabitation entre le vieux misanthrope désabusé et intolérant et la lolita inculte va alors générer des échanges désopilants, des épisodes burlesques et autant de situations plus amusantes les unes que les autres. Et les choses ne s’améliorent guère lorsque tout à coup rentrent en scène les parents ringards et réac de la fugueuse, un jeune homme au faciès de mannequin bien décidé à séduire la belle créature ou encore des intello-bobo artistes avides de nouvelles sensations et d’expériences inédites…
Wathever Works est un film jubilatoire. Allen y ose toutes les audaces, toutes les malices. Ainsi, son protagoniste n’hésite-t-il pas par exemple à nous interpeler, nous, spectateurs, à nous parler directement se livrant à plusieurs monologues d’une surprenante drôlerie. Le cinéaste joue aussi en permanence avec les artifices qu’il revendique, les détournements de situations et la parodie qu’il pratique, les coups de théâtre qu’il ménage, les rebondissements qu’il imagine et surtout, oui surtout, les dialogues qu’il cisèle. Et les répliques qui font mouche ne manquent pas… C’est en fait tout son art que Woody Allen met au service de ce film qui se présente comme une comédie légère, pétillante, et qui, sans se prendre au sérieux, fait en vérité montre d’une rare intelligence, d’une vraie finesse, d’une touchante sensibilité et surtout d’une autodérision salutaire et peut-être même salvatrice. Car, mine de rien, Wathever Works conduit une réflexion existentielle dont la morale pragmatique pourrait être que tout est réversible. Le spectateur en vient par conséquent à admettre avec Boris qu’en fin de compte, dans la vie, tout est bon à prendre… pourvu que ça marche (d’où le titre).
Un vrai régal donc qu’il serait dommage de ne pas savourer… sans modération !
Le génie misanthrope et hypocondriaque et la jeune écervelée…
Le séducteur et la belle à conquérir…